Calames

MMSH-PH-7624 Elh Akoli Daouel fait le récit de son expérience de professionnel de radio et de télévision au Niger du début des années 1960 aux années 1980 (n°2)

Date : 2022-03-27
Langue : français
Description physique : 1 fichier numérique wave 44.1khz - 16bits. Durée : 1h 06min.
Description :
L’entretien se déroule au domicile de Elh. Akoli Daouel à Niamey, alors que Camille Lefebvre vient de lui rapporter les bandes analogiques originales qu’il avait confié à la Phonothèque de la Maison méditerranéenne des sciences de l’homme à Aix-en-Provence quelques mois plus tôt. Les bandes ont été numérisées et documentées un catalogue lui a été transmis. Camille Lefèvre lui demande son accord pour l’enregistrer et précise qu’elle voudrait revenir sur son activité professionnelle dans les années 1962. Elh. Akoli Daouel accepte avec plaisir ce deuxième entretien. Il tient à exprimer tout d’abord son émerveillement pour le travail accompli sur ces enregistrements qu’il conservait depuis si longtemps. Cette sauvegarde est essentielle à la fois pour l’histoire et la culture des Touaregs, en particulier ceux de la communauté nigérienne. A son départ de la radio, il avait conservé quelques bandes auxquelles il tenait particulièrement ; celles où étaient interviewés les anciens qui évoquaient la pénétration de l’islam dans la zone de L’Aïr, l’organisation des communautés Touaregs et leurs combats jusqu’aux accords de paix, dans les années 1900 avant la colonisation française. La plupart ont aujourd’hui disparu parce qu’il n’y pas eu de véritable politique de conservation et la difficulté est accrue par l’absence de machines pour les lire.
Elh. Akoli Daouel décrit Agadez comme une ville sédentaire aux langues multiples, où le haoussa est dominant. Au moment de la création de la radio en juin 1962 à Agadez il est désigné comme speaker pour les émissions en direction des populations Tamasheq nomades. A cette époque, les Touaregs ne se rendaient en ville que pour régler des problèmes administratifs ou pour s’approvisionner, ils retournaient ensuite à leur campement mobile. Lui-même se rendait dans les campements avec sa voiture et un opérateur, et il participait aux veillées le soir. Pendant que les nomades se retrouvaient autour de la musique, il enregistrait. Une fois revenu au studio à Agadez, il montait les bandes en supprimant tout ce qui ne lui semblait pas nécessaire, en particulier les bruits de fond, qu'il nomme "parasites" – bruits des hommes ou cris de chameaux. Il réalise ensuite son montage en fonction de son objectif (la voix ou l'instrument). Il réalisait faisait trois copies : une pour l’exploitation, une autre était envoyée à Niamey à la maison mère qui faisait elle aussi des émissions en tamasheq (il y avait toujours un animateur tamashaq) ; la troisième il la réalisait pour la conservation. Il la destinait à l'Ina Montrouge mais il n'a pas la garantie qu'elles aient été envoyées en France. Il a ainsi parcouru le Niger de l’ouest de Niamey, au centre du Niger ou à l’Est, dans la région de Diffa. La culture Touaregs est la même partout, mais des influences multiples peuvent se faire sentir, en particulier dans les zones où les communautés Touaregs sont minoritaires. La langue au Nord est peut-être plus authentique, tandis que celle du Sud est plus influencée par d'autres communautés nigériennes. Elh. Akoli Daouel recherchait des interlocuteurs Tamasheq car la radio avait été créée pour que les auditeur·trice·s puissent entendre leur langue. Lui-même parle aussi zarma et haoussa, et il pouvait donc comprendre les influences de la langue. Au départ ils étaient cinq animateurs, chacun pour une langue : le zarma avec Hima Adamou Dama Dama (1933-2017), le peul avec Daouda Diallo (1939-2014), le kanouri [il ne se souvient plus du nom de l’animateur qui est maintenant décédé], le haoussa avec Ahmada Bachar et lui-même pour le Tamasheq. Boubou Hama (1906–1982) et Hamani Diori (1916-1989) ont été à l’origine de cette création. Il revient sur le personnage de Boubou Hama et sur son action pour que chaque communauté puisse parler sa langue, et que chacune ait sa place au Niger. Sur le terrain, il cherchait des éléments pour réaliser ses émissions mais son objectif principal était la sauvegarde de la mémoire et de l’histoire de la communauté touarègue. Son rêve aurait été, à sa retraite, de transcrire ces enregistrements, mais malheureusement beaucoup d’archives ont été dispersées ou n’ont pas été conservées.
Il revient sur sa formation comme homme de radio. D’abord infirmier diplômé, il se forme à Niamey pendant neuf mois en pédagogie pour enseigner dans les écoles. A l'indépendance le gouvernement a décidé de créer des écoles sous tente. Les tableaux sont sous les arbres et les enseignants parlent dans les langues maternelles des enfants. Cela l'intéresse et il souhaite se tourner vers la pédagogie. Pendant sa formation il commence à animer des émissions à la radio comme speaker aux bulletins du soir. Après sa formation d’enseignant, il est affecté à Tawa et les émissions en langue en tamasheq s’arrêtent car il n’y a pas de Touaregs à Niamey à cette époque pour le remplacer. Or, Aïchatou Diori (1928-1974), l’épouse du Président Hamani Diori (1916-1989), écoutait avec intérêt ses émissions car, d’origine Peul sédentaire de la région de Dogondoutchi, dans sa jeunesse elle conversait volontiers avec les éleveurs Touaregs. Elle informe alors son mari de la disparition de la langue tamasheq à la radio et le Président intervient pour qu’il revienne à Niamey ou il restera jusqu’à la création de la radio à Agadez. Il revient sur sa formation faite sur place par les Français sur place mais aussi des Camerounais et des Sénégalais. A Agadez, il était en binôme avec un technicien Sénégalais qui parlait haoussa et dont il a oublié le nom avec qui il a travaillé pendant trois mois. Il savait utiliser les appareils, faire une interview et réaliser une émission. Lors de la création de la radio à Agadez, une troisième personne a été recrutée par Elh. Akoli, Abdouman Moussa aujourd’hui décédé. C’est lui qui a dirigé la radio par interim lorsqu’il obtient en 1963 une bourse de trois mois pour une formation en Israël, à Jérusalem. L’objectif était d’apprendre les techniques de journalisme. Ils étaient cinq : deux sénégalais, un togolais, un béninois et lui-même. Dans cette formation, il apprend comment une bande peut être utilisée au maximum, ce qui n’était pas le cas dans la formation française. Il apprend aussi à endosser tous les rôles : animateur, technicien, opérateur et d’autres encore. La formation était en langue française et il regrette de n'avoir pu la suivre qu’une seule fois car il a beaucoup appris, sans doute plus qu’à Paris. En effet, "si en France c'est l’abondance, en Israël c'est l'économie", ce qui correspondait mieux à un pays comme le Niger. Le studio école français qu'il a suivi était une école Africaine et Malgache ouverte à 17 pays des colonies Française avant l’indépendance. Pour y être admis il fallait passer un concours d’entrée et en 1965, il a été le seul nigérien admis parmi plusieurs candidats. Les épreuves orales se déroulaient à Poissy mais au même moment, il faisait partie de la première promotion de l’ENA à Niamey, c'était la première au Niger. Il a donc demandé un report son admissibilité de deux ans. Revenu à Niamey, il a poursuivi l’ENA tout en continuant à travailler à la radio. Deux ans plus tard, deux candidats nigériens ont été admis au concours, Oudou Abdoulaye et Daouda Diallo (1939-2014), ancien ministre de l’Information et des affaires étrangère du Niger, qui l’ont accompagné pendant sa formation entre 1966 et 1969. Cette formation à Saint-Germain-en Laye, était organisée en plusieurs sections en fonction des métiers de l’audiovisuel (les techniciens, les journalistes producteurs, la télévision). Il n'y avait pas encore la télévision au Niger, ils avaient dont choisi la radio, en particulier l’animation et la réalisation. En 1967 c'était la période de la guerre de six jours, et plusieurs journalistes couvraient l’événement en Egypte ou à Jérusalem et faisaisent des comptes-rendus de ces grands reportages. Il a aussi vécu 1968 à Paris. Cette expérience parisienne a été importante pour lui.
A son retour au Niger, il a pris conscience de l’importance de la sauvegarde des archives sonores et il a circulé dans tout le pays pour enregistrer des anciens, en particuliers les marabouts dans les mosquées. Il demandait : en quelle année la mosquée à été créé ? par qui ? qui étaient les marabouts et les personnes qui participaient à la création de la mosquée ? d’où venaient-ils et à quelle ethnie appartenaient-ils ? Il a dû faire de nombreuses recherches pour réaliser ses émissions et il a parcouru toutes les villes où il y avait des Touaregs au Niger, même si pour ses enquêtes sur les mosquées, il s’est limité à la ville d’Agadez. Il a accumulé une grande documentation et en 1982, au moment de la troisième session de l’OCI (organisation de la conférence islamique) il était secrétaire général au Ministère et il a été chargé par le président et le ministre de l’époque d’écrire un livre sur l’islam au Niger. Son petit fils lui demande si cela ne posait pas de problème, qu'un pays musulman collabore avec Israël à l'époque. Elh. Akoli Saouel lui répond que cette collaboration était exellente, que la religion n'était pas prise en compte. Ce qui importait c'était que l'on apprenait des choses nécessaires pour un pays pauvre qui n'a pas de moyens, leurs méthodes de travail s’adaptaient aux réalités de son pays. A son retour en novembre 1970 il quitte la radio parce qu’il est élu député, jusqu’au coup d’état de 1974. Plus tard, quand les partis politiques auront de nouveau leur place, il se réengagera en politique mais il garde toujours son amour pour la radio et la télévision. A la demande de Seyni Kountché (1931-1987) et sur l’impulsion du ministre de l’information Daouda Diallo (1939-2014), avec qui il avait fait sa formation il devient directeur des programmes de la radio nationale et il doit créer une école sur les métiers de l’audiovisuel multidisciplinaire, le CFTI (centre de formation aux techniques de l’information). Il y avait déjà une école à Dakar, Yaoundé et Ouagadoudou, ils décident de créer une école pluridisciplinaire d'animateurs qui puissent aller dans les villages. Plusieurs enseignants étaient français, d'autres nigériens. Il dirige l'école durant quatre ans. L’école deviendra l’IFTIC (institut de formation aux techniques de l'information et de la communication) en 1989. Daouda Diallo (1939-2014) le nomme Secrétaire général au ministère de l’Information puis lui demande de créer la télévision nationale. Il crée à ce moment-là une société d’Etat dont il est nommé directeur général, cumulant le poste avec ses fonctions de secrétaire général. A la fin de l’entretien Camille Lefebvre lui demande son accord pour la diffuser l’entretien, Elh. Akoli Daouel accepte à la condition que le fichier soit bien monté.
Caractéristiques matérielles et contraintes techniques : Qualité sonore : très bonne.
Information sur le traitement : Les archivistes Yaye Ouleye Diop et Nadia Mignan ont transcrit l'entretien
Auteur : Dawel, Akoli (1937-....)
Lefebvre, Camille (1980-....)
Sujet : Maison méditerranéenne des sciences de l'homme (Aix-en-Provence, Bouches-du-Rhône). Phonothèque
islam
Colonisation
Agadès (Niger)
Institut national de l'audiovisuel (France ; 1974-1982)
Diffa (Niger ; région)
Zarma (langue)
Dama Dama, Hima Adamou (1933-2017)
Peul (langue)
Diallo, Daouda (1939-2014)
Kanouri (langue)
Haoussa (langue)
Hama, Boubou (1906-1982)
Diori, Hamani (1916-1989)
Diori, Aïchatou (1928-1974)
Organisation de la coopération islamique
Institut de formation aux techniques de l'information et de la communication du Niger (IFTI)
Carrière -- Journalisme
Carrière -- Politique
Journalistes de radio
Touaregs (peuple berbère)
Décolonisation
Partis politiques -- Niger
Politique et gouvernement -- Niger
Agadès (Niger)
Niger -- 1960-1993
Israël
Lieu de production : Niamey (Niger)

Rappels sur les conditions d'accès et d'utilisation des documents : Les enregistrements sonores peuvent être écoutés sur place, à la phonothèque de la MMSH à Aix-en-Provence sous réserve des autorisations accordées par les enquêteurs. Pour chaque corpus sonore, les règles d'utilisation et de diffusion sont particulières, en fonction des règles juridiques et éthiques qui auront été spécifiés par les informateurs et les enquêteurs. Cet inventaire reprend parfois des informations personnelles. Conformément à la loi n°78-17 "Informatique et Libertés", vous disposez d'un droit d'accès, de modification, de rectification et de suppression des données vous concernant en ligne sur ce site.
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