Calames

MMSH-PH-7805 Le journaliste Éric Rouleau s’entretient avec le président de l'OLP, Yasser Arafat, au lendemain des massacres de Sabra-Chatila

Date : 1982-09-19
Langue : arabe, anglais et français
Description physique : 1 mini-cassette audio. 54min.
Description :
L’entretien débute par les indications d’Éric Rouleau qui donne, en langue française, la date, l’heure et le lieu de l’enregistrement qui se tient au lendemain des massacres de Sabra-Chatila, survenus à Beyrouth du 16 au 18 septembre 1982. Yasser Arafat était à Rome au moment des événements, il est arrivé à Damas dès qu’il a appris la nouvelle. L'auditeur·trice ne sait pas si Eric Rouleau était déjà à Damas ou s'il vient de se déplacer. L'entretien donne un aperçu des réactions et des points de vue de Yasser Arafat sur les événements de Sabra-Chatila, tout en mettant en lumière les relations complexes, les menaces et les accusations entre les parties impliquées. La conversation passe de l’anglais à l’arabe, parfois pour quelques instants. L'auditeur·trice ne sait pas qui se trouve dans la pièce,ni où est placée le magnétophone. A deux reprises des personnes inconnues frappent la porte, entrent et peut-être ressortent. A ces moments là, les conversations ne sont pas intelligibles, d'autres passages ne le sont pas également. Le lendemain de l'entretien, Eric Rouleau publie dans le Monde un article sur les massacres de Sabra-Chatila dans lequel on retrouve des verbatims de Yasser Arafat. Le texte de l'article précise "De la salle voisine qu'il vient de quitter pour nous recevoir, un brouhaha rompt le silence. Les quelque soixante membres du comité central de l'O.L.P. poursuivent le débat sur le massacre. Les dirigeants de la douzaine d'organisations, qui constituent la centrale des fedayin, venus des quatre coins du monde arabe, sont tous là". L'auditeur·trice peut donc penser qu'Eric Rouleau est reçu dans une salle attenante au lieu de cette réunion.
La conversation commence de façon informelle en langue arabe. Au tout début, sont évoqués des crimes de guerre concernant le bombardement d’hôpitaux qui n’ont pas été identifiés au moment du traitement ; les lieux mentionnés sont ceux d’Alexandrie, Beyrouth, Acre et Gaza. L’entretien reprend en langue anglaise (à 15min 14s) quand Éric Rouleau lance à voix haute l’expression “Time !” qui fait silence. Le journaliste interroge alors Yasser Arafat sur ce qu’il sait du massacre et des constatations des corps le samedi matin. Ce dernier estime que l’on cherche à terroriser les Palestiniens pour les inciter à fuir le Liban, de la même manière que Menachem Begin en 1948, ou Ariel Sharon au village Qibya en 1953, puis il pose une question : les soldats sont partis mais à qui appartiennent les bulldozers qui ont rasé les camps palestiniens ?
Yasser Arafat signale avoir été alerté de l’entrée des forces israéliennes dans les camps de Sabra et de Chatila dès le vendredi matin alors qu’il était à Rome. Il a alors lancé un cri d’alarme devant le pressentiment d’un massacre. Samedi soir, arrivé à Damas, il a visionné des films reçus par satellite. Les images de ces charniers l'ont ému aux larmes. Il reprend l'expression de François Mitterrand qui aurait dit qu'à Beyrouth ce n'était pas un, mais dix Oradour qui s'y étaient produits. Il affirme ensuite qu’il ne s'y attendait pas car il avait reçu des assurances du médiateur américain, Philip Habib. Ce dernier lui avait confirmé par écrit que son gouvernement s’engageait à protéger les Palestiniens, en particulier les familles des fedayins installés dans les camps. La France et l’Italie s’étaient associées à cette promesse et devaient fournir une force multinationale. D’après lui, les Etats-Unis et Israël ont obtenu le retrait de la force multinationale sans aucune consultation des parties intéressées, l’OLP comprise. Il indique avoir été renseigné par le gouvernement italien à propos des décisions prises par le président Elias Sarkis, Bachir Gemayel et Philip Habib. Puis (à 25min 10s), la conversion bascule en langue arable et Rouleau revient sur les sources qui indiquent que les ambassadeurs français, américain et italien étaient informés de ce départ. Avec une voix très basse, Yasser Arafat pose la question : “Pourquoi sont-ils partis ?”, à la réponse d’Eric Rouleau sur les accords établis par les américains, Yasser Arafat répond en anglais “Il l'a officiellement accepté” et la discussion reprend en langue anglaise. Il souligne que la seule raison de quitter Beyrouth était justement sa volonté d'épargner les populations civiles et surtout les enfants. Les locuteurs sont interrompus par des coups frappés à la porte (à 26min 40s). Diverses personnes entrent alors dans la pièce et participent à la discussion qui reprend sur les relations internationales, et en particulier les objectifs de Ronald Reagan au sujet de la disparition des camps palestiniens. Yasser Arafat a la ferme conviction que les Etats-Uniens ne chercheront pas de solutions s’il n’y a pas de pression internationale.
Dans un moment de complicité entre les deux locuteurs, Éric Rouleau lui demande de garder espoir car son image à la télévision est celle d’un homme que nombre de téléspectateurs apprécient. Il est toujours plein d’entrain, souriant, il prend les enfants dans ses bras… cela marque la communauté juive américaine qui ne le voit pas comme un terroriste. Il lui pose la question "Y a-t-il des mesures pratiques qui peuvent être prises pour arrêter ce qui se passe au Liban aujourd’hui ?" : Yasser Arafat propose de lancer un appel à la communauté mondiale, afin qu’elle envoie sans tarder de l’ONU ou une force multinationale, qui ne comprenne pas seulement des Nords-Américains, mais aussi des Français, des Italiens et d’autres nationalités. Il soutient la proposition d'un sommet de la Ligue Arabe pour discuter de la situation libanaise. La conversation passe rapidement de l’anglais à l’arabe. Les hommes abordent la question des crimes commis les jours précédents, des décisions internationales qui ne sont pas claires et de l’activité du Mossad qui brouille les informations.
Aux questions répétées d’Éric Rouleau de savoir si l'OLP aura recours au terrorisme, Yasser Arafat répond que le premier objectif est de résister à l'occupation israélienne sans utiliser ce type de moyen. D’après lui, nombre d'attentats sont commis dans le monde au nom des palestiniens alors qu'ils n’en sont pas les auteurs. Il estime que cette question sur le terrorisme porte atteinte à sa dignité, en tant que président de l’OLP, un mouvement national et populaire. Il insiste qu’il est hostile au principe du terrorisme sous toutes ses formes et où qu’il soit. Pour obtenir la libération et les droits des Palestiniens, sa ligne d’action se limite à résister à l’occupation israélienne. Quant à sa stratégie diplomatique, il a souscrit au plan adopté au sommet de Fès, mais il se réserve le droit de s'abstenir d’en parler jusqu’à ce que la commission de mise en œuvre dont il fait partie examine précisément les modalités. Il attend de la France une pression au niveau de l’Europe et appelle à une conférence internationale de la paix. Il se dit prêt à négocier malgré ses doutes sur les intentions nord-américaines.
Il évoque diverses invitations en France. Il souhaite répondre positivement à celle de Georges Marchais, qu'il considère comme un ami. Il n'a pas répondu favorablement à celle du président Giscard d’Estaing, en 1980 car il lui demandait expressément d'évoquer uniquement la question libanaise. Il a remercié le Président en lui rappelant qu’il représentait l’OLP et non pas le Liban. Yasser Arafat insiste encore sur la convocation d’une conférence internationale de la paix, à laquelle toutes les parties seraient invitées et se tient prêt à s'engager dans cette négociation. Il évoque des manifestations à venir en Italie et en France en soutien aux palestiniens devant les ambassades israéliennes. Eric Rouleau lui demande qui en sont les organisateurs. Y. Arafat indique en France les partis communistes et socialistes, et en Italie les partis communistes, socialistes et chrétiens-démocrates. Le Pape a fermement condamné Israël pour la deuxième fois, et le chef du Parti communiste italien a demandé de rompre les relations avec Israël et il y a eu, ce jour, une grande manifestation à Tel Aviv. De nouveau, des personnes frappent à la porte et entrent dans la pièce sans que l’on ne connaisse leur identité (à 50min). La conversation se poursuit en langue arabe. Yasser Arafat espère que cet événement soit un tournant dans l’histoire de son peuple, que le sang n'ait pas été versé en vain. Il revient sur le document écrit, qu’il dit posséder, dans lequel Philip Habib donne la garantie de protéger son peuple après le retrait des soldats palestiniens de Beyrouth. Il indique que le gouvernement égyptien a également une copie de ce message où l’OLP est remercié pour la protection accordée aux civils américains résidant à Beyrouth en 1976. Il dit avoir toujours donné des signes de volonté de négociation et de soutien à la paix. Il rappelle que, dans un de ses livres, Hamilton Jordan fait état de l'aide que Yasser Arafat a apporté pour la libération des treize premiers otages en Iran.
On entend, en fin d'enregistrement, la voix base d'Eric Rouleau remercier, en langue arabe, Yasser Arafat pour cet entretien et lui souhaiter la victoire. L'enregistrement s'arrête ensuite pour reprendre brièvement en anglais.
Ancienne cote : F4828
Bibliographie :
Éric Rouleau, « Massacre de Sabra et Chatila : Yasser Arafat, président de l’O.L.P, accuse les militaires israéliens d’avoir participé à la tuerie », Le Monde, 21 septembre 1982. En ligne : https://www.lemonde.fr/archives/article/1982/09/21/un-entretien-avec-m-arafat-le-president-de-l-o-l-p-accuse-les-militaires-israeliens-d-avoir-participe-a-la-tuerie_3106965_1819218.html
Auteur : Arafat, Yasser Abu Ammar (1929-2004)
Sujet : Massacres
Beyrouth (Liban)
Année 1982
Damas (Syrie)
Sabra et Chatila - Beyrouth, Liban
Bilinguisme
Liban -- 1975-1990 (Guerre civile) -- Atrocités
Liban
Begin, Menahem (1913-1992)
Sharon, Ariel (1928-2014)
bulldozers
Damas (Syrie)
Imagerie satellitaire
Mitterrand, François (1916-1996)
Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne)
Habib, Philip Charles (1920-1992)
Familles palestiniennes
Fedayin
Camps de réfugiés -- Liban
Italie
Relations extérieures -- États-Unis -- 1981-1989
Organisation de libération de la Palestine
Sarkis, Elias (1924-1985)
Gémayel, Bachir (1947-1982)
Ambassadeurs
Reagan, Ronald (1911-2004)
Réfugiés palestiniens
Imagerie (psychologie)
Nations Unies
Ligue des États arabes
Crimes de guerre
Israël. Institute for intelligence and special tasks
Désinformation
Annexion (droit international)
Maintien de la paix
Relations extérieures -- France -- 1981-1995
Marchais, Georges (1920-1997)
Giscard d'Estaing, Valéry (1926-2020)
Partito comunista italiano (1921-1991)
Histoire de la Palestine
Jordan, Robert Hamilton (1939-....)
Eddé, Raymond (1913-2000)

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