GS Archives de Gérard Simon

Biographie ou Histoire :
Gérard Simon, né le 21 janvier 1931 et décédé le 21 juin 2009, est un philosophe et historien des sciences. Ancien élève de l'École normale supérieure de la rue d'Ulm, Gérard Simon était agrégé de philosophie. Il a soutenu en 1976, à l'université Paris IV, une thèse intitulée "Structures de la pensée et objets du savoir chez Kepler". A l'université de Lille III, où il était professeur, il fut l'un des fondateurs, il y a plus de trente ans, du Centre de Recherche sur l'Analyse et la Théorie des Savoirs. Et il fut à l'initiative d'un des premiers Master d'histoire des sciences (anciennement DEA). (...)
L'intérêt et la richesse des travaux de Gérard Simon tiennent non seulement aux résultats qu'il a apportés dans tel ou tel domaine de l'histoire des sciences (il a travaillé sur l'histoire de l'optique et de la vision, ainsi que sur l'histoire de l'astronomie et de l'astrologie, de l'Antiquité à l'Âge classique) mais aussi aux réflexions sur sa méthode qui jalonnent ses écrits.
Dans l'ensemble de son oeuvre, Gérard Simon a combattu une vision rétrospective en histoire des sciences qui consiste à juger les théories du passé à l'aune de ce que nous savons aujourd'hui. Il défendait la thèse selon laquelle les systèmes de pensée naissent et se développent dans des contextes culturels et historiques qu'il convient de prendre en compte lorsqu'on fait l'histoire des théories et des concepts. Il se plaçait dans la lignée d'Alexandre Koyré et de Michel Foucault. Il se référait par ailleurs aux travaux de Claude Lévi-Strauss lorsqu'il expliquait, par exemple, que "nos auteurs classiques, au moins ceux du XVIIe siècle, appartiennent à une aire culturelle (...) qui n'a pas grand-chose de commun avec la nôtre, et il faut si on veut comprendre leurs réactions intellectuelles reconstituer la manière dont ils pensent comme s'il s'agissait de sauvages dont on ne peut saisir la logique que par une analyse structurelle". Il a ainsi magistralement montré dans son ouvrage sur Kepler que si l'on veut comprendre la genèse des lois astronomiques pour lesquelles il est encore célébré aujourd'hui, il est indispensable de considérer les systèmes de pensée dans lesquels s'inscrit cet auteur du XVIIe siècle, qui croyait, par exemple en une âme du Monde et qui cherchait dans ses travaux scientifiques à rendre compte de l'harmonie du Monde voulue par Dieu. Et cette restitution du cadre conceptuel dans lequel travaille un auteur d'une époque donnée nécessite de "prendre en compte les textes, rien que les textes et tout dans les textes : pas question d'y effectuer un tri vertueux entre ce qui est vrai ou faux, ou ce qui relève du rationnel et de l'irrationnel, ou encore de l'esprit scientifique et d'une pensée préscientifique".
(...) Finalement, dans l'ensemble de ses travaux, Gérard Simon insiste sur la "relativité historique de ce que nous entendons par "rationalité", en rappelant que la raison a elle aussi une histoire, qu'elle se redessine sans cesse, et qu'elle s'est nourrie entre autres, pour se transformer, des réussites scientifiques qu'elle a rendues possibles"
Sabine Rommevaux, "Gérard Simon (1930-2009)", in Archives internationales d'histoire des sciences, vol. 59, no. 162, juin 2009, p. 326-328