Biographie ou Histoire :
Pierre Restany, né en 1930 à Amélie-les-Bains (Pyrénées Orientales), est décédé à Paris en mai 2003.
Après des études secondaires réalisées au Maroc, licencié es Lettres, il entreprend des études d’esthétique et d’histoire de l’art en Italie et en Irlande.
Installé à Paris en 1948, Pierre Restany commence à écrire des nouvelles et des essais littéraires en 1952 en collaborant aux revues
Libres Propos (Paris) et
Symphonie (Alger). C’est durant cette période que Pierre Restany débute sa carrière de critique d’art. Il entretient une grande amitié avec le peintre Jean Fautrier qu’il considère comme le maître de l’Informel et pour qui il consacre de nombreux articles et réalise des entretiens.
Au milieu des années 1950, Pierre Restany prend part au débat pictural français opposant abstraction lyrique et abstraction géométrique. Il s’intéresse à la gestuelle picturale présente dans les oeuvres de Bryen ou Mathieu, et se lie d’amitié avec les artistes Laubiès et Bellegarde. En 1955 et les deux années suivantes, il présente les travaux de ce dernier à la galerie milanaise Apollinaire Guido Le Noci. Il défend le travail de ces artistes dans les revues
14 Soli (Turin),
Cimaise et
Prisme des Arts (Paris). En 1956, il crée un mouvement sous le nom d’Espaces Imaginaires, regroupant les artistes Claude Bellegarde, Gianni Bertini, Peter Brüning, Sacha Halpern, et le sculpteur Delahaye. Il présente leurs travaux en janvier 1957 à la Galerie H. Kamer (Paris) et en juillet 1957 à la Galerie Apollinaire (Milan). Directeur des publications H. Kamer en 1956-57, il fait paraître une étude
Espaces Imaginaires, suivie de plusieurs monographies consacrées aux peintres Bellegarde, Bertini et Hundertwasser. Parallèlement à l’Ecole de Paris, il s’intéresse aux artistes américains de l’Expressionnisme Abstrait, notamment à Jackson Pollock. Cependant, les années 1957 et 1958 sont une période de remise en question de la validité de tels mouvements picturaux. Son livre
Lyrisme et abstraction, rédigé dans le premier semestre de l’année 1958 mais édité par Guido Le Noci en 1960, est une interrogation sur l’avenir de l’Abstraction Lyrique et de l’Expressionnisme Abstrait, dont il souligne l’importance mais aussi les dangers de conformisme et la nécessité d’évolution.
La rencontre de Pierre Restany avec Yves Klein en 1955, par l’intermédiaire d’Arman, est décisive pour les futurs choix esthétiques du critique. A cette date, Yves Klein parvient à la maîtrise de ses recherches sur le monochrome. Il trouve auprès de Pierre Restany un soutien important en préfaçant toutes les expositions de l’artiste. L’oeuvre d’Yves Klein permet en fait à Pierre Restany de dépasser la problématique close de l’abstraction lyrique au profit d’une ouverture plus grande vers la culture industrielle.
En 1959, lors de la première Biennale de Paris où sont exposées une proposition monochrome d’Yves Klein, la machine à peindre de Tinguely et la palissade d’affiches lacérées de Raymond Hains, Restany détermine chez ces artistes leur capacité d’appropriation de la réalité industrielle d’après-guerre. Le 16 avril 1960, il publie le premier
Manifeste du Nouveau Réalisme, en prévision d’une exposition qui aura lieu le mois suivant à la galerie milanaise Le Noci et qui regroupe Arman, Dufrêne, Hains, Klein, Tinguely, Villeglé. Le 27 octobre 1960, au domicile d’Yves Klein, il fonde le groupe des Nouveaux Réalistes, en présence d’Arman, de Dufrêne, Hains, Klein, Raysse, Spoerri, Tinguely et Villeglé. César et Rotella, absents, participeront aux manifestations ultérieures du groupe. La déclaration constitutive du groupe est rédigée par Pierre Restany en neuf exemplaires signés par tous les adhérents présents : sept sont sur papier monochrome bleu, un sur une feuille d’or et un autre sur papier monochrome rose.
En 1961, Pierre Restany fonde avec Jeanine de Goldschmidt la Galerie J (Paris), afin de permettre au Nouveau Réalisme de s’expérimenter. C’est à l’occasion d’une exposition collective au mois de mai 1961, dans cette galerie, que Restany rédige le second
Manifeste du Nouveau Réalisme. Le titre en est significatif :
A 40 ° au dessus de dada. En juillet 1961 s’ouvre le premier festival du Nouveau Réalisme à Nice. Le même mois, Restany organise une exposition à la Galerie Rive Droite (Paris) de Jean Larcade intitulée
Le Nouveau Réalisme à Paris et à New York. Cette exposition permet au critique d’établir des relations entre les artistes français et américains (Rauschenberg, Johns, Chryssa, Stankiewicz, Chamberlain). Un an plus tard, en octobre 1962, nouveaux réalistes et néo-dadaïstes se trouvent à nouveau confrontés lors de l’exposition
The New Realists à la Galerie Sidney Janis à New York. En février 1963, à l’occasion du second festival du Nouveau Réalisme à Munich, Pierre Restany publie le
Troisième Manifeste du Nouveau Réalisme, qui est une sorte de bilan des nouvelles directions offertes par les travaux des artistes (esthétique de l’objet, art d’assemblage, environnements, etc.). Le festival de Munich marque la fin de l’aventure du groupe d’artistes du Nouveau Réalisme. Chacun poursuivra par la suite une carrière individuelle. Pierre Restany continuera à écrire sur le Nouveau Réalisme dans divers catalogues et revues, en publiant notamment en 1968 sa synthèse théorique intitulée les
Nouveaux Réalistes.
En 1963, Restany s’intéresse au Mechanical Art ou Mec-Art, notamment aux reports photographiques de décollages d’affiches par Rotella. En octobre 1965, à la Galerie J, lors d’un hommage à Nicéphore Niepce, il rédige le manifeste du Mec-Art qui réunit Serge Béquier, Gianni Bertini, Pol Bury, Alain Jacquet, Neiman, Nikos et Rotella. Restany considère aussi Alain Jacquet comme un des principaux protagonistes du Mec‑Art (en mars 1989, il lui consacre une monographie à la Galerie Beaubourg). Pierre Restany s’est aussi, durant les années 1960, engagé dans le débat sur la crise des institutions muséales et culturelles françaises en matière d’art contemporain. En décembre 1967, il publie aux éditions Apollinaire de Milan un manifeste intitulé
Contro l’Internazionale della mediocrità, verso l’estetica generalizzata : manifeste du 14 novembre 1967. Le samedi 18 mai 1968, dans le quotidien
Combat, il réclame la démission d’André Malraux et d’Alain Peyrefitte, annonce l’occupation du Musée d’Art Moderne de Paris pour souligner son inutilité et la nécessité de sa fermeture. En 1969, lors de la Biennale de Sâo Paulo, alors qu’il est chargé de la section spéciale Art et technologie, il participe à son "boycott". Dans ce contexte de la crise de 1968, il publie
Le Livre rouge de la révolution picturale, dans lequel il opère une mise au point de ses options artistiques et exprime les conflits de la politique artistique et culturelle en matière d’art contemporain. Quelques mois plus tard,
Le Livre blanc de l’art total lui permet d’exprimer sa vision de l’art dans l’après 1968, notamment dans le domaine de l’art public.
Depuis le début des années 1960, Pierre Restany n’a cessé de voyager dans le monde et continuera de le faire dans les décennies suivantes, notamment en donnant des conférences et en collaborant à des expositions aux Etats-Unis, Québec, Brésil (Mario Pedrosa lui a ouvert les portes de la Biennale de Sâo Paulo en 1961), Australie, Tchécoslovaquie, Israël, Corse, Japon, Argentine (il est invité par Jorge Romero Brest à l’Instituto Torquato di Tella), Russie.
Au début des années 1970, Pierre Restany s’intéresse aux nouveaux courants artistiques tels que le Body Art et l’Art Sociologique. Il prête une attention particulière aux travaux de Fred Forest sur les médias, en écrivant un essai sur chaque intervention de l’artiste et en participant à plusieurs de ses actions vidéo (la plus célèbre étant
Restany dîne à la coupole, 1974).
La réflexion critique de Restany durant les années 1970 et 1980, est en fait tournée vers une réflexion sur l’équilibre entre nature et culture. Il cherche à lier esthétique et urbanisme, s’intéresse aux artistes travaillant dans la ville et dans la nature. En 1976, lors de la Biennale de Venise, il fait la connaissance du sculpteur de l’environnement Dani Karavan, pour qui il dédie de nombreux articles, catalogues et ouvrages.
Son attention est aussi retenue par les travaux de Nissim Merkado, Jean-Pierre Raynaud, le groupe SITE, Peter Knapp, Ignazio Moncada. Aux Etats-Unis, il participe à la fondation de la Stuart Collection, Musée vivant de sculptures environnementales situé sur le campus de l’Université de San Diego en Californie, dont il est un des experts dès 1980. En juillet-août 1978, Pierre Restany entreprend un voyage en Amazonie, où il remonte en bateau le Rio Negro, principal affluent nord de l’Amazone. Durant ce périple, il rédige le 3 août 1978, le
Manifeste du Rio Negro du Naturalisme Intégral, dans lequel il prône la régénération de la perception et de la sensibilité par une redécouverte de la Nature. En 1979 et 1980, Pierre Restany, Sepp Baendereck, Frans Krajcberg, organisent une série de conférences sur ce thème du rapport nature/culture dans plusieurs pays. D’avril-mai 1979 à février-mars 1981, il fonde à Milan, avec Carmelo Strano, la revue
Natura Intagrale, qui rend compte de l’ampleur de ces recherches et de leur écho dans le monde de l’art.
Durant les années 1980, sa réflexion sur la culture postmoderne aboutit à la publication d’un ouvrage intitulé
Les Objets-Plus et leurs présentations informationnelles (version revue et amplifiée à Milan en 1990), dans lequel il traite du rapport entre l’art et la culture post-industrielle. En 1984-85, sur invitation de Maria Grazia Mazzocchi, il prend part à la fondation à Milan de la Domus Academy, un institut post‑universitaire de recherches sur la mode et le design. Membre du comité d’organisation de l’Olympiade des Arts, programme artistique lié aux Jeux Olympiques de Corée, il est à l’origine du Parc Olympique de Sculptures de Séoul réalisé en 1987-88 et qui rassemble 200 oeuvres internationales.
De 1999 à 2003, Pierre Restany préside le Palais de Tokyo, site de la création contemporaine.
Il consacre son dernier essai à Yves Klein
Le Feu au coeur du vide paru aux éditions de La Différence en 2000.
Bibliographie disponible sur le site des Archives de la critique d'art