Biographie ou Histoire :
Félix Joseph Henri de Lacaze-Duthiers, dit Henri de Lacaze-Duthiers, né le 15 mai 1821 au sein d’une famille nobiliaire gasconne, dont le siège familial est le château de Stiguederne.
Henri de Lacaze-Duthiers débute son enseignement supérieur par des études de médecine à Paris. Durant ces premières études, Lacaze-Duthiers se familiarise et se prend de passion pour la zoologie, un enseignement inclut alors dans le cycle de médecine. Il assiste ainsi aux cours de Henri-Marie Ducrotay de Blainville et Henri Milne-Edwards. Ce dernier le marque durablement par sa vision de la zoologie devant se faire sur des spécimens vivants, observés et compris dans leur environnement ; mais également par son intérêt pour les animaux marins. Lacaze-Duthiers devient son préparateur après sa licence en 1845 et Milnes-Edwards deviendra son directeur de thèse pour le grade de docteur ès-sciences naturelles. Ces études de médecine se concluent en 1851 avec l’obtention de son titre de docteur en médecine, ceci en soutenant sa thèse intitulée
De la Paracentèse de la poitrine, et des épanchements pleurétiques qui nécessitent son emploi.
Malgré son ascendance nobiliaire, Lacaze-Duthiers ne bénéficie pas de ressources illimitées pour financer ses études. Un élément qui joue certainement un rôle dans sa prise de poste comme répétiteur à l’Institut agronomique de Versailles en 1851, à la même période où il débute sa seconde thèse, en sciences naturelles cette fois-ci. Lacaze-Duthiers soutient cette thèse intitulée
Recherches sur l'armure génitale femelle des insectes avec succès le 2 mai 1853.
Entre temps, en 1852, Lacaze-Duthiers a été contraint de quitter son poste à l'Institut agronomique, suite au coup d’État de Louis Napoléon Bonaparte – devenant alors Napoléon III. En effet, Lacaze-Duthiers est un républicain convaincu, une vision politique qui le fit refuser de prêter serment à l’empereur, comme devait le faire les fonctionnaires. Nous retrouvons l’intérêt de Lacaze-Duthiers pour la politique sous plusieurs formes durant sa vie. Dès 1848, lors de la Révolution de février et l’instauration de la Deuxième République décrites dans ses mémoires. Mais également tout au long de sa carrière, durant laquelle il s’investit dans l’Instruction publique, dans son inspection, mais aussi sa réflexion, à travers des critiques et des commentaires des différentes réformes de l'enseignement, ceci du baccalauréat à la licence.
Dès l’obtention de sa thèse en 1853, Lacaze-Duthiers entreprend son premier voyage d’étude dans les Baléares, où il débute des recherches « de terrain » qui marquent dès lors l’ensemble de son œuvre scientifique.
En 1854, Lacaze-Duthiers devient professeur de sciences naturelles à la faculté des sciences de Lille. Alors de retour de son voyage dans les Baléares et devant s’éloigner de l’émulsion scientifique de Paris, c’est un peu à contrecœur qu’il prend ses fonctions à Lille. Il y reste cependant jusqu'en 1863 et durant cette période Lacaze-Duthiers n'abandonne pas ce qu’il a commencé dans les Baléares. Il mène alors des recherches en Bretagne, notamment à Saint-Jacut-de-la-Mer, où il trouve une faune foisonnante. Il retourne en 1858 dans les Baléares en passant par la Corse, où il aborde et se prend de passion pour le corail et son développement. La publication de ses recherches sur le corail le mène à être, en 1860, chargé par le gouvernement générale d'Algérie, d'une mission d'étude du corail et de son exploitation dans le département d'outre-mer. De ces recherches est publié en 1864 - notamment grâce à des souscriptions ministérielles, son
Histoire naturelle du corail, devenant alors l’ouvrage de référence à ce sujet.
Après avoir été maître de conférences à l’École normale supérieure, entre 1863 et 1864, Lacaze-Duthiers remplace progressivement Achille Valenciennes au Museum national d’histoire naturelle comme suppléant. En 1865, à la mort d'Achille Valenciennes, il est officiellement nommé professeur à la chaire d’histoire naturelle des mollusques, des vers et des zoophytes.
Pour finir, il est nommé, en 1869, professeur de zoologie, d’anatomie et de physiologie comparée à la faculté des sciences de Paris. La Sorbonne devient par cela son dernier établissement d’enseignement, il n’en changera pas jusqu’à sa mort en 1901 ; mais cela marque bien un épanouissement scientifique et non une stagnation. En effet, durant ces trente-deux ans de service, Lacaze-Duthiers parfait sa vision de la zoologie – la zoologie expérimentale, et munit la Sorbonne des infrastructures nécessaires à celle-ci – le laboratoire de zoologie expérimentale de Roscoff, le Laboratoire Arago de Banyuls-sur-Mer et une revue dédiée, les
Archives de zoologie expérimentale et générale (
disponible en ligne).
En effet, durant ces voyages et sa mise en pratique d’une science de terrain, Lacaze-Duthiersse retrouve souvent dans des commodités limitées dans lesquelles il doit s’organiser des laboratoires de fortune. De ce constat, de ces voyages en Bretagne, et de l’abondance des spécimens à étudier, naît l’idée de la création d’une station marine. Une station marine, pensée comme un avant-poste de la Sorbonne en Bretagne, pouvant héberger scientifiques et laboratoires au plus près des animaux et de leur milieu – nécessaires à la zoologie expérimentale pensée Lacaze-Duthiers. De la location d'une maison à Mme. Roland à partir de 1872, à l’achat successif de biens immobiliers dans la commune de Roscoff, Lacaze-Duthiers constitue son Laboratoire de zoologie expérimentale – aujourd’hui Station biologique de Roscoff. La station commence par une équipe composée de scientifiques et de pêcheurs – gens de la mer que Lacaze-Duthiers écoutent avec intérêt pour leurs connaissances incontestables, la station s’ouvre aux volontaires de toute la France et de l’étranger. L’équipement de la station se précise également, du vivier, aux aquariums, à la constitution du flotte de bateaux… etc.
Afin d’ouvrir à une faune encore plus diverse, mais aussi afin de pouvoir continuer de travailler l’hiver – jugé trop rude en Bretagne, Lacaze-Duthiers souhaite rapidement fonder une station au bord de la mer Méditerranée. Ce projet commence par le souhait de réhabiliter le fort de Port-Vendres, appartenant au ministère de la Marine. C’est finalement la commune de Banyuls-sur-Mer, en offrant de verser une rente au laboratoire, qui est volontaire pour accueillir la nouvelle station de la Sorbonne. La station de Banyuls en fondée et construite de 1881 à 1882 et nommée Laboratoire Arago – aujourd’hui Observatoire océanologique de Banyuls-sur-Mer. Tout comme sa sœur bretonne, la station s’étend, d’extension en extension, et s’équipe, du vivier, des aquariums, des bateaux, et d’une bibliothèque alors des plus importantes dans le domaine de la zoologie – grandissant notamment par des dons.
Lacaze-Duthiers administre les deux stations en tant que directeur, nommant dans chacune un préparateur – son homme de confiance, qui lui fait des rapports réguliers, rédigés formellement ou durant leur correspondance. Les stations de Lacaze-Duthiers sont des lieux aux activités scientifiques foisonnantes, recevant de nombreux résidants, mais également des curieux du monde scientifique. Des excursions de groupe, à but scientifique et éducatif, sont ainsi organisées dans les deux stations. Dans ce cadre, des membres de l’université de Barcelone sont notamment conviés à Banyuls, illustrant les liens forts qui se tissent entre ses voisins de la côte méditerranéenne. Les stations deviennent également des lieux de prélèvement et d’envois de spécimens, un service destiné aux scientifiques et aux établissements français et européens. De la rigueur de Lacaze-Duthiers, nous héritons des archives - registres et récapitulatifs ponctuels, riches de renseignements sur les personnes passées dans les stations, les travaux qu’elles y ont menés, les conférences qui y ont été tenues, sur les excursions, les prélèvements de spécimens et les envois effectués.
In fine, Lacaze-Duthiers nous laisse un héritage scientifique, immobilier et archivistique considérable. Ces trois éléments, mis en relation, illustrent parfaitement une période de changement dans nos pratiques scientifiques, et plus précisément un tournant dans l’histoire de la zoologie, de sa pratique et de son enseignement, en France et dans le monde.
Bibliographie :
CARRAU (Théophile),
L’objectivité scientifique au XIXe siècle : le cas Henri Lacaze-Duthiers, Master de philosophie, Université Paul Valéry, 2018, 129 p. Disponible en ligne :
https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01949660.
JACQUES (Guy), DESDEVISES (Yves), Du Laboratoire Arago à l'Observatoire océanologique de Banyuls-sur-Mer - Une épopée humaine et scientifique, Sorbonne Université Presses, 2021, 276 p.
JESSUS (Catherine), DESDEVISES (Yves), KLOAREG (Bernard), TOULMOND (André), « Henri de Lacaze-Duthiers (1821–1901), le père de la zoologie expérimentale et le fondateur des stations marines de Roscoff et Banyuls », Académie des sciences,
Compte rendus. Biologie, volume 344, n° 4, 2021, p. 311-324. Disponible en ligne :
https://doi.org/10.5802/crbiol.68.
Cycles de conférences :
○ 150 ans de la Station biologique de Roscoff :
• JESSUS (Catherine),
Henri de Lacaze-Duthiers, génial fondateur de la Station biologique de Roscoff, jeudi 17 mars 2022, Station biologique de Roscoff. Rediffusion en ligne :
https://www.youtube.com/watch?v=HUU-MVCShVQ.
• TOULMOND (André),
La Station biologique de Roscoff , 150 ans d'histoire scientifique et humaine, jeudi 21 arvril 2022, Station biologique de Roscoff. Rediffusion en ligne :
https://www.youtube.com/watch?v=3L_oYW8PwLM.